Mise en situation : Les élèves d’un cours d’éthique de deuxième secondaire d’une école que nous ne nommerons pas se sont vu proposer des dilemmes à résoudre. L’un d’eux s’énonçait ainsi :

Vous êtes le conseiller ou la conseillère en éthique qui évaluera les patients d’un hôpital au Québec. Vous évaluerez donc les chances de survie de patients anonymes à qui on attribuera, ou non, une place aux soins intensifs. Vous ne verrez pas les malades et les évaluerez uniquement sur papier.  

6 patients admis aux urgences nécessitent un respirateur, mais il ne vous en reste que 2 de disponibles. L’heure est au choix ! 

Vous devez justifier chacun de vos choix, aussi bien pour ceux que vous sauvez que pour ceux que vous condamnez. Dans un souci de cohérence et pour faciliter la sélection des cas présents et futurs, choisissez d’abord trois critères de sélection et disposez-les en ordre d’importance pour ensuite les appliquer aux cas présentés. 

L’étudiant avait ensuite plusieurs situations proposées, dont celle-ci :

Un jeune complotiste, un influenceur anti-vaccin, qui milite pour la liberté et qui croit que la COVID n’est qu’une grippe saisonnière qui n’est fatale que pour les plus faibles d’entre nous.  

  • Avec soins : 85% de survie
  • Sans soins : 15% de survie 

Voici la lettre envoyée au directeur de l’école par l’infirmière

Bonjour,

Je suis Marie St-Jean, infirmière de formation et mère d’une de vos élèves en secondaire 2. J’aimerais souligner une attitude très questionnable d’un de vos professeurs en lien avec le sujet extrêmement délicat actuellement au Québec qui est celui du statut vaccinal. Cela me préoccupe beaucoup. Pourquoi ce professeur se permet-il de présenter à ses élèves une situation dans un contexte si sensible qui peut conduire à des propos haineux ?

Cela a effectivement amené des jeunes de la classe de ma fille à dire : « Qu’on laisse les non-vaccinés crever ! » Devant les propos méprisants de certains jeunes, le professeur d’éthique a ri ! Ma fille était scandalisée et m’a dit plus tard : « Maman il sait très bien qu’il y a des élèves non vaccinés. On n’ose même pas parler, car ça fait peur. »

Je vous mets ici la mise en situation « éthique » que votre professeur a soumise à ses élèves. Sachez qu’il n’y a absolument rien de médical dans le fait de refuser de traiter des patients au Québec selon un statut vaccinal ou dans celui de coller à des gens les étiquettes d’anti-vaccin et de complotiste. C’est grave d’encourager ce genre de conversation chez nos jeunes, sachant que les discours médiatiques et gouvernementaux suscitent actuellement de la discrimination. C’est de l’invitation à la haine et au mépris!

Dans la situation, l’utilisation des termes « complotiste » et « influenceur anti-vaccin » est basée sur des préjugés, des stéréotypes. On catalogue ainsi des personnes sans connaître vraiment leurs motivations légitimes. Votre professeur semble avoir oublié que nous vivons dans une société qui nous donne en principe le droit de faire un choix libre et éclairé et d’accepter ou de refuser un traitement. C’est la base même de ce que nous recevons comme formation en tant que professionnels de la santé.

Dans une société normale, ce professeur n’aurait pas le droit de parler d’un sujet d’une manière qui mène inévitablement à des propos haineux et à de la discrimination. Je croyais que les écoles se battaient contre l’intimidation, mais voilà que vous proposez des sujets qui amènent des propos haineux, tendancieux et même violents ! Nous espérons que ce genre de discussion, sur un sujet aussi délicat qui divise tristement le peuple québécois ainsi que les familles et les amis, qui invite au mépris envers les personnes qui ont fait le choix de ne pas recevoir d’injection, n’aura plus sa place à l’école que vous dirigez, d’autant plus que les jugements portés contre les non-vaccinés n’ont absolument rien de scientifique!

En tant qu’adultes, nous avons une responsabilité morale sur les jeunes et nous devons leur apprendre le respect des uns envers les autres. Les termes utilisés dans la mise en situation montrent tout de suite le parti pris de l’enseignant. Croyez-vous qu’un élève non vacciné peut se sentir libre de parler avec ce genre de propos qui jugent gratuitement ? C’est très triste, car lorsqu’on est un adolescent, on a besoin de se sentir accepté et aimé.

Le danger que certains élèves subissent de la discrimination de la part d’autres élèves et d’adultes en position de responsabilité est réel et très préoccupant. Si au moins il y avait eu une leçon… Le but de cet exercice aurait pu être, par exemple, de relancer les élèves pour leur parler de la Charte des droits et libertés, de ce qu’est un consentement libre et éclairé ou du droit d’accepter ou de refuser un traitement; il aurait pu être de leur parler du code de Nuremberg ou même du plan de lutte contre l’intimidation dans les écoles… Il semble malheureusement que cela n’ait pas été le cas.

Si on avait été dans une situation d’une personne de couleur ou d’une autre nationalité se présentant à l’hôpital, comment pensez-vous que cela se serait passé ? Eh bien, lorsque vous stigmatisez une partie de la population (non vaccinée ou non adéquatement vaccinée, etc.) et que vous la tenez responsable de tout le mal de la société comme on tente de faire croire insidieusement dans les médias, on appelle cela un drame de société et c’est un sujet si souffrant et si délicat qu’on ne devrait jamais alimenter cette haine auprès des jeunes.

Sachez que, pour l’instant, nous resterons discrets concernant le manque d’éthique professionnelle de ce professeur. Mais sachez aussi que nous nous gardons le droit de porter plainte si cela se reproduit. Nous ne pouvons tolérer ce genre de discussion, qui pourrait un jour causer des souffrances à de jeunes innocents pour un statut vaccinal qui, à la base, relève du dossier médical personnel d’une personne et qui n’a pas à être dévoilé sans le consentement de celle-ci (réf. au serment d’Hippocrate).

Nous désirons que le peuple québécois retrouve sa raison et s’unisse dans l’entraide et le respect. Nous sommes pour le choix libre et éclairé et pour le respect du choix de chacun. Cessons d’étiqueter ainsi les gens : vaccinés, non-vaccinés, complotistes, anti-vax, etc. Nous sommes des êtres humains tout simplement.

Cette situation nous inquiète beaucoup, car elle contribue à fragiliser encore plus le tissu social de la société québécoise, dans laquelle le respect des uns et des autres devrait primer. Avons-nous vraiment conscience des graves dommages collatéraux que subit notre société depuis le début de cette crise ? Apporter des soins à quelqu’un n’est pas seulement lui donner un « vaccin », mais c’est d’abord et avant tout le soigner avec toutes les thérapies possibles, être présent, l’écouter, lui sourire, le rassurer, avoir de la compassion, et cela sans exception, car sinon nous perdons toute notre humanité.

Cordialement,
Marie St-Jean